Ahmed Boughera EL OUAFI
Jusqu’alors inconnu, Ahmed Boughera El Ouafi s’impose contre toute attente lors de la prestigieuse épreuve du marathon, le 5 août 1928 à Amsterdam.
Alors que se profile l’Exposition coloniale internationale à Paris, apogée de la domination française sur ses possessions outre-mer, un « indigène algérien » jusqu’alors inconnu répondant au nom de Ahmed Boughera El Ouafi s’impose contre toute attente lors de la prestigieuse épreuve du marathon, le 5 août 1928 à Amsterdam. Sur la ligne de départ, personne n’a misé sur celui qui porte le dossard 71 frappé du coq bleu blanc rouge. D’ailleurs, au dixième kilomètre il n’est pointé qu’à la vingtième place. Pourtant, au kilomètre 32, il remonte et se situe en embuscade à la troisième place. Puis, à cinq kilomètres de l’arrivée, il double l’Américain Joie Ray et le Japonais Kanematsu Yamada. À force de détermination, Ahmed Boughera El Ouafi remporte, à la surprise générale, la médaille d’or en 2 heures et 32 minutes.
Le temps d’une compétition, la France s’honore de pouvoir compter sur ce réservoir d’athlètes venus des colonies, d’autant que les champions hexagonaux attendus comme Jules Ladoumègue ne sont pas au rendez-vous après des accusations de professionnalisme. Mais qui est ce champion français « arabe », acclamé certes, mais du bout des lèvres ? Né vers 1898 à Ouled Djellal dans le sud de l’Algérie, Ahmed Boughera El Ouafi s’engage dans l’armée française et traverse la Méditerranée pour participer à la Grande Guerre. En 1923, un lieutenant, ayant remarqué ses talents d’athlète, lui offre la possibilité de s’engager pour une première course de fond au cours de laquelle il s’illustre. Très vite, il enchaîne les épreuves, devient champion de France de marathon en 1924, avant de participer aux Jeux Olympiques de Paris la même année et de terminer septième de l’épreuve reine en 2 heures et 54 minutes.
Sans ressources, Ahmed Boughera El Ouafi s’engage alors comme manœuvre chez Renault où il côtoie des centaines de travailleurs « indigènes ». Inscrit au Club Olympique Billancourt, il continue avec détermination à courir 15 kilomètres par jour et à participer brillamment à plusieurs courses, malgré ses journées épuisantes à l’usine. Il est à nouveau sacré champion de France de marathon en 1927, empochant par la même occasion sa sélection pour les Jeux Olympiques en 1928 à Amsterdam, où il remporte la médaille d’or dans la même discipline. Mais la notoriété de Ahmed Boughera El Ouafi ne dépasse pas le temps des olympiades : participant à des compétitions et des attractions professionnelles aux États-Unis (il court notamment face à des animaux), il est radié de la Fédération française d’athlétisme et n’est plus jamais autorisé à concourir dans une compétition officielle. Repli, relégation, misère : la figure du champion s’éclipse. On ne la retrouve furtivement qu’en 1956 lorsqu’un autre vainqueur du marathon, Alain Mimoun, de retour des Jeux Olympiques de Melbourne, lui rend un bel hommage fraternel. Mais il est bien tard, le « petit Arabe » n’est plus que l’ombre de lui-même et meurt en 1959 en pleine guerre d’Algérie.
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