1928 ı Amsterdam Détermination Ahmed Boughera EL OUAFI
Jusqu’alors inconnu, Ahmed Boughera El Ouafi s’impose contre toute attente lors de la prestigieuse épreuve du marathon, le 5 août 1928 à Amsterdam.
Portrait Ahmed Boughera EL OUAFI
Détermination
Alors que se profile l’Exposition coloniale internationale à Paris, apogée de la domination française sur ses possessions outre-mer, un « indigène algérien » jusqu’alors inconnu répondant au nom de Ahmed Boughera El Ouafi s’impose contre toute attente lors de la prestigieuse épreuve du marathon, le 5 août 1928 à Amsterdam. Sur la ligne de départ, personne n’a misé sur celui qui porte le dossard 71 frappé du coq bleu blanc rouge. D’ailleurs, au dixième kilomètre il n’est pointé qu’à la vingtième place. Pourtant, au kilomètre 32, il remonte et se situe en embuscade à la troisième place. Puis, à cinq kilomètres de l’arrivée, il double l’Américain Joie Ray et le Japonais Kanematsu Yamada. À force de détermination, Ahmed Boughera El Ouafi remporte, à la surprise générale, la médaille d’or en 2 heures et 32 minutes.
Le temps d’une compétition, la France s’honore de pouvoir compter sur ce réservoir d’athlètes venus des colonies, d’autant que les champions hexagonaux attendus comme Jules Ladoumègue ne sont pas au rendez-vous après des accusations de professionnalisme. Mais qui est ce champion français « arabe », acclamé certes, mais du bout des lèvres ?
Retour en images sur les Jeux Olympiques d’Amsterdam, 2014
Les Jeux Olympiques d'été de 1928 sont célébrés à Amsterdam, aux Pays-Bas, du 17 mai au 12 août. Ces Jeux Olympiques étrennent l’allumage de la flamme olympique le 28 juillet et la présence des femmes en athlétisme et en gymnastique artistique.
Voir la vidéoNé vers 1898 à Ouled Djellal dans le sud de l’Algérie, Ahmed Boughera El Ouafi s’engage dans l’armée française et traverse la Méditerranée pour participer à la Grande Guerre. En 1923, un lieutenant, ayant remarqué ses talents d’athlète, lui offre la possibilité de s’engager pour une première course de fond au cours de laquelle il s’illustre. Très vite, il enchaîne les épreuves, devient champion de France de marathon en 1924, avant de participer aux Jeux Olympiques de Paris la même année et de terminer septième de l’épreuve reine en 2 heures et 54 minutes.
Sans ressources, Ahmed Boughera El Ouafi s’engage alors comme manœuvre chez Renault où il côtoie des centaines de travailleurs « indigènes ». Inscrit au Club Olympique Billancourt, il continue avec détermination à courir 15 kilomètres par jour et à participer brillamment à plusieurs courses, malgré ses journées épuisantes à l’usine. Il est à nouveau sacré champion de France de marathon en 1927, empochant par la même occasion sa sélection pour les Jeux Olympiques en 1928 à Amsterdam, où il remporte la médaille d’or dans la même discipline. Mais la notoriété de Ahmed Boughera El Ouafi ne dépasse pas le temps des olympiades : participant à des compétitions et des attractions professionnelles aux États-Unis (il court notamment face à des animaux), il est radié de la Fédération française d’athlétisme et n’est plus jamais autorisé à concourir dans une compétition officielle. Repli, relégation, misère : la figure du champion s’éclipse. On ne la retrouve furtivement qu’en 1956 lorsqu’un autre vainqueur du marathon, Alain Mimoun, de retour des Jeux Olympiques de Melbourne, lui rend un bel hommage fraternel. Mais il est bien tard, le « petit Arabe » n’est plus que l’ombre de lui-même et meurt en 1959 en pleine guerre d’Algérie.
Archives sur les femmes dans les épreuves d’athlétisme et de gymnastique
En 1928, pour la première fois dans l’histoire des Jeux Olympiques, des épreuves de gymnastique et d’athlétisme sont ouvertes aux sportives féminines. Betty Robinson, âgée de 16 ans, remporte alors le 100 mètres féminin en un temps record devenant un des symboles de ces Jeux Olympiques et de lutte pour l’égalité homme/femme dans le mouvement olympique.
Voir la vidéo“ Enfin une victoire française !
C’est – ô ironie ! – celle de l’Arabe El Ouafi
dans le marathon. ”
— L’Humanité, 6 août 1928 —
IXe Olympiade
17 MAI-12 AOÛT 1928
Amsterdam ı PAYS-BAS
Athlètes
2883 (9,61 % DE SPORTIVES)
Sports
14
Épreuves
109
Jeux
Paralympiques
- 00 (début en 1960)
Nations
46
Jeux d'hiver
464 athlètes
Classement
ÉTATS-UNIS ALLEMAGNE FINLANDE
Riches en performances et innovations, les Jeux Olympiques d’Amsterdam sont un succès durant l’été 1928. Un succès aussi parce qu’ils se situent au cœur de la brève période d’accalmie des tensions géopolitiques en Europe, après les accords de Locarno en octobre 1925, signés notamment par l’Allemagne, la France, le Royaume-Uni mais aussi l’Italie de Mussolini afin de garantir provisoirement une sécurité collective en Europe. 46 nations parmi lesquelles se trouve l’Allemagne (de retour aux Jeux Olympiques depuis son exclusion après la guerre) et 2.883 athlètes dont 277 femmes (9,61 %) sont présentes. Pour cette Olympiade, on note plusieurs nouveautés : le rituel de l’allumage de la flamme olympique ainsi que l’accès d’athlètes féminines à certaines épreuves d’athlétisme et de gymnastique artistique, après bien des polémiques et les résistances de Pierre de Coubertin puis celles de son successeur Henri Baillet-Latour.
Pour cette Olympiade, Amsterdam se dote d’un stade flambant neuf, œuvre de l’architecte Jan Wils pouvant accueillir 40.000 spectateurs. Outre la sensation provoquée par la victoire de l’« indigène algérien » issu de l’Empire colonial français Ahmed Boughera El Ouafi lors de l’épreuve du marathon, les performances les plus marquantes sont réalisées par des athlètes de légende. Au premier rang de ceux-ci se trouvent les « Finlandais volants » qui dominent largement les épreuves d’athlétisme. Le plus en vue est Paavo Nurmi qui, confirmant les cinq médailles d’or obtenues en 1924, s’octroie une nouvelle médaille d’or en 10.000 mètres et deux médailles d’argent en 5.000 mètres et 3.000 mètres steeple. La Suisse applaudit son héros, le gymnaste Eugen Mack qui décroche deux médailles d’or à Amsterdam et qui reste le sportif suisse le plus médaillé, avec huit titres, dont cinq gagnés à Berlin en 1936.
Même confirmation pour le nageur américain Johnny Weissmuller, comme en 1924 à Paris, avec deux médailles d’or en 100 mètres nage libre et relais 4x200 mètres nage libre. Alors que le tennis, le polo, le tir et le rugby ne figurent plus au programme, le grand exploit des Jeux Olympiques se trouve dans la victoire de l’équipe indienne de hockey sur gazon estampillée « raj britannique » en finale sur les Pays-Bas, avec l’emblématique Dhyan Chang Singh, considéré comme le plus grand sportif indien de tous les temps. Enfin, la presse retient l’aventure de l’Australien Henry Pearce qui, en quart de finale du rameur-skiff, s’arrête pour laisser passer une famille de canards, puis remonte ses concurrents et décroche la médaille d’or.
Reportage de Gaël Pollès, Les origines de la flamme olympique, 2012
Ce film court explique les origines et l'évolution de cette tradition si caractéristique des Jeux Olympiques : la flamme olympique, de sa naissance en Grèce antique à son grand retour aux Jeux Olympiques d’Amsterdam en 1928.
Marathon
Le marathon est une épreuve individuelle des Jeux Olympiques modernes de course à pied qui s’étend sur 42,195 kilomètres. Il s’agit de commémorer la légende du messager Phidippidès ayant parcouru la distance entre Marathon et Athènes pour annoncer la victoire des Grecs contre les Perses, juste avant de trépasser. Le premier marathon féminin date de 1984, à Los Angeles.
Lors du marathon, comme dans de nombreuses autres épreuves, le dossard est un incontournable objet sportif. Introduite à l’origine dans les sports hippiques, la numérotation des sportifs est destinée à faciliter l’identification de ces derniers par les officiels et les spectateurs, mais aussi un élément indispensable pour éviter toute triche.